18 janvier 2008

Lecture pré-pubère



... rien ne marque autant un lecteur que le premier livre qui s'ouvre vraiment un chemin jusqu'à son coeur. Ces premières images, l'écho de ces premiers mots que nous croyons avoir lassé derrière nous, nous accompagnent toute notre vie et sculptent dans notre mémoire un palais auquel, tôt ou tard - et peu importe le nombre de livres que nous lisons, combien d'univers nous découvrons -, nous reviendrons un jour.
Carlos Ruiz Zafon

J'avais 9 ou 10 ans la première fois que j'ai été en contact avec Khalil Gibran. Je n'ai rien compris ou alors bien peu mais ça n'avait aucune importance. Je savais déjà que ces mots avaient une densité peu commune, une grande musicalité, une voix propre et que j'y reviendrais.

Et j'y suis revenue, à quelques reprises, toujours avec cette curiosité, cette surprise de découvrir une autre résonnance, ou, ah bah tiens donc, la surprise de découvrir un nouveau sens selon ma compréhension du moment, ce nouvel éclairage que l'âge ou l'expérience m'apportait.

Bien honnêtement, je pense aujourd'hui que Gibran était mi-conscient. En tout cas, clairement, il n'avait pas toute sa tête. Comment aurait-il pu écrire tout ça en toute lucidité ? Ou alors, quoi ? Il pouvait être aussi doué en étant simplement humain ?

J'avais pour lui une telle fascination. Une fascination de jeune fille de 9 ans sur ce qu'elle ne comprenait pas mais qui l'intimait d'entrer.

À l'époque, je me rappelle avoir été très sensible au texte sur les enfants. C'était de loin mon préféré. Il faut dire que cet autonomisme qui s'en dégageait (Vous pouvez leur donner votre amour, mais pas vos pensées. Car ils ont leurs propres pensées. Vous pouvez héberger leurs corps, mais pas leurs âmes.) avait un pouvoir séducteur incomparable. Et qu'il me donnait un pouvoir que je découvrais. J'avais tout-à-coup, des possessions simples. Mes pensées, mes désirs, mes rêves. Tout ça n'appartiendrait qu'à moi seule. Quelle frondeuse je devenais !

Mais c'est lorsqu'on demande au prophète de parler du don qu'aujourd'hui, je flanche. Cette chose si peu tendance. Sexy, le don au XXIe siècle ? Completely out, ouais. Sauf à Tout le monde en garroche ou dans des campagnes d'influence d'opinion publique.

Je n'ai jamais pu le lire d'un seul trait. Comme un dessert trop sucré, même si on est bibitte à sucre, on y revient, par petites bouchées.

4 commentaires:

C.Olivier a dit…

De quel don désires-tu fleurir le monde, autour de toi, chère Zab?

Cette question est très "à la mode", quand on y réfléchi... même un peu trop?

Alors, j'y songe, dear friend. J'y songe. Car ce don est si puissant, si fort... que lorsqu'on sait le reconnaître puis le mettre en pratique?

Zablog a dit…

"Ils donnent de sorte qu'ils puissent vivre, car pour eux, retenir est périr.

Assurément, celui qui est digne de recevoir ses jours et ses nuits est digne de recevoir tout le reste de vous."

Tu me l'as fait relire en entier. Voilà qui résume assez bien ce que j'aurais voulu exprimer si simplement.

Anonyme a dit…

Gibran est libanais... né au soleil, mangé des figues fraiches, des olives dodues, des oranges qui goutent l'orange. Pas étonnant qu'il soit si sage...

Chroniques B.

Denis T. a dit…

Je viens de lire le texte du Don que vous mettez en lien.

C'est bon. Très bon même.

Je comprends maintenant...

Quel contraste, quand même, nous qui vivons dans l'abondance...

Il y a une obscénité du don que notre civilisation doit dépasser. Il faut voir plus loin que la simple bonne conscience et considérer le bien de celui à qui l'on pense donner.